Jazz Streets N° 17

Editorial

Bye-bye New Orleans : pour un soir, le jazz s’est trouvé une nouvelle capitale. Merci Rallye

Pour sa deuxième édition, le Jazz Rallye n’a rencontré que ce qu’il méritait : le succès. Phénoménal succès de foule, d’atmosphère, qui rendait Bruxelles méconnaissable. Pour sûr, la chance était au rendez-vous en la personne de Sa Seigneurie Soleil, qui a daigné faire preuve d’une générosité peu commune. Sous ses bienveillants rayons, la Grand-Place s’est progressivement remplie d’une foule en parfait état de réceptivité : qui fait son sitting, dans le plus pur style Pékin façon Tian’anmen, qui gambade nonchalamment, qui sirote son verre à une terrasse.
Sur la scène, le Rallye s’ouvre littéralement en fanfare, avec celle de Haren et sa cinquantaine d’officiants. Résumant à sa façon un demi-siècle d’histoire du jazz, le big big band passe allègrement du style swing au genre harmonie, toujours sur des airs clairs comme de l’eau de roche. Mais sans anguille par dessous : exécution simple, comme sous un kiosque pour le concert du dimanche midi.
Le public n’en demande pas plus pour l’instant : on en est au round d’observation, tout le monde se regarde, et le regard devient complice lorsqu’il tombe sur le petit croco-jazz devenu signe de ralliement du rallyeman. Les filles sont printanières, merci soleil, les garçons comme à la parade, les autres générations retrouvent chacunes leurs vingt berges.
Tout doucettement, le soleil commence à descendre au coin de la rue de la Tête d’Or. Sur scène, la clique a pris ses claques, le chanteur David Linx fait ce qu’il peut avec sa voix et une sono inadaptée. Bientôt, le quintet du trompettiste Richard Rousselet prend le relais, et fait des merveilles sur « All Blues », de Miles Davis. Les amateurs de jazz sont enfin ravis, et l’adjonction de Toots au quintet les comble davantage : le sextet nouvellement formé emballe le thème « On Green Dolphin Street » dans du papier (à musique) cadeau.
Vingt et une heures. L’harmonica de Toots résonne encore jusqu’au boulevard Lemonnier. Dans les quarante six établissements inscrits au Rallye, l’heure de la charge a sonné : dixie, new-orleans, swing, bop, salsa, samba, biguine, tous prennent la ville d’un même assaut. Une ville qui ne reconnaît pas ses autobus : peints en vert croco, ils enfournent des grappes joyeuses et bigarrées, ce qui les change de la grisaille matinale et quotidienne. A toutes ces « bandes de jeunes », les chauffeurs adressent un bonsoir des plus sympas, se fendant même d’un sourire. Assurément, le Jazz Rallye donne une tout autre image de la STIB, comme dépoussiérée.
Ceci dit, même ceux qui s’étaient préparé un itinéraire précis doivent s’en remettre au hasard, balottés d’une boîte à l’autre, ici déçus par un orchestre manchot, là accrochés par une trompette magique comme celle de Gino Lattuca, qui officie au Paradoxe. On fait la file au Bierodrome, tout ça pour se faire enguirlander par le patron, et manquer se faire étrangler par les garçons-videurs. Ambiance beaucoup plus sympa à l’Amour Fou, sur des airs de rock-country-blues. Rue de Londres, le Preservation Hall porte bien son nom : comme à New Orleans, on joue le jazz comme à New Orleans, on sert les « go cups » sur le trottoir.
Au centre ville, en voulant voir quel traitement le trio de Pirli Zurstrassen administrait aux standards, on croise l’Ancienne Belgique où, moment de grâce, Toots sifflotte « Bluesette » avec deux pianistes derrière lui. Quant à Pirli, quelle perle ! Finalement, le Jazz Rallye a atteint sont but : faire une fête populaire au jazz. Du même coup, on découvrait à Bruxelles un tout autre visage. Comme dit la chanson : « See you later, alligator ; in a while, crocodile... »

Dominique SIMONET

Sommaire

• p 5 : Sir Charles Thompson : L’homme tranquille du piano
• p 6 : Derniers Chorus : Paul Closset, Woody Shaw, Joe Napoli, Max Gordon
• p 7 : Disques
• p 10,26-29 : jazz rallye brussels n°2 : Le jazz à Bruxelles en photos
• p 15 : Agenda
• p 22 : Les lauréats du jazz rallye Brussels n°2 : Gino lattuca, Erwin vann
• p 30 : calvin owens performs at BJC