Jazz News N° 28

Edito : LE BOSS

Il y a trente ans, une horde de jeunes types débarquait sur la scène jazz, semant le trouble dans leurs costumes-cravate impeccables. On les baptisa Young Lions. Ils jouaient le jazz in the tradition, comme leurs aînés en affirmant haut et fort leur fierté de défendre et prolonger une histoire écrite par Louis Armstrong, Count Basie, Duke Ellington ou Billie Holiday. À l’époque, la fusion électrique avait éclipsé le jeu et le son acoustiques, le post-free érigeait l’improvisation en alpha et oméga de la libre expression, les mots swing et blues étaient oubliés, bannis ou dépassés. Les musiques urbaines (souvent sans instrument), hip-hop en tête, écartaient brutalement des ondes toute une scène et des centaines de musiciens. Pourtant, on jeta l’anathème sur ceux-là même qui rappelaient la contribution des Afro-américains dans l’émergence d’un art majeur en leur pays, un art émancipateur et universaliste : le jazz. Au moment où l’exclusion sociale, les taux de chômage et d’incarcération des Noirs au pays de Martin Luther King continuaient de battre tous les records, redire l’intelligence et l’intégrité de cette culture, en pleine ère Reagan ultra-réactionnaire, faisait sens. S’ensuivit pourtant une (petite) guerre idéologique très vite caricaturale, souvent réduite à une fausse opposition entre progressistes et conservateurs ».
Le temps a fait son uvre. Leader de cette génération soucieuse de sa mémoire, Wynton Marsalis est devenu le boss d’une institution qui joue un grand rôle dans la reconnaissance de la musique afro-américaine aux États-Unis. Longtemps excluant et condescendant à l’endroit des styles populaires (la soul, le funk, le rap) ou des frondeurs (l’avant-garde), réduisant parfois l’expression artistique à un concours d’excellence, occultant la dimension humaine, le vécu, la singularité des destins, le Néo-Orléanais a fini par élargir le champ des possibles en s’ouvrant à des musiciens qu’il avait longtemps tenus à distance. Nombre d’entre eux se sont produits à ses côtés, dans ce JALC (Jazz At Lincoln Center) à qui Wynton Marsalis a conféré, au prix d’un immense travail éducatif et pédagogique, un rayonnement indéniable.
D’ici - donc de loin -les enjeux liés à ces combats ont souvent été minimisés, sinon dévoyés. C’est pourtant en connaissant sa propre histoire que l’on peut s’ouvrir aux autres. Une ouverture que traduit une année 2013 riche en révélations : Cécile McLorin Salvant, José James, Leyla McCalla, Pedrito Martinez, Mélanie de Biasio, Vincent Peirani ... Le jazz inspire, insuffle un élan de créativité, de rencontres et de liberté au cur du monde. Il nous tarde de vivre 2014.
Belles et heureuses fêtes à tous.

Romain Grosman

NEWS

PORTRAITS

• p 15 : LIZ MCCOMB
• p 17 : KNEEBODY
• p 18 : HIATUS KAIYOTE
• p 24 : KEZIAH JONES

RENDEZ-VOUS

• p 11 : INTRO
• p 12 : SUR ÉCOUTE/BUZZ
• p 13 : TWEETS/COURRIER DES LECTEURS
• p 14 : TAILLE STANDARD
• p 15 : LA DISCOTHÈQUE IDÉALE
  • Playlist :
• p 16 : LE JAZZ PAR LA BANDE
• p 16 : À CHIPER, À CHOPER
• p 19 : BODY & SOUL
• p 20 : LIVES
• p 22 : FOCUS NO FORMAT
• p 23 : L’ADN DE FRANCOIS RIPOCHE
• p 25 : ON THE CORNER
• p 26 : BLINDTEST IBRAHIM MAALOUF
• p 27 : COVER STORY PAT METHENY
• p 28 : OUT OF NOWHERE
• p 29 : ABONNEMENT
• p 30 : HI-FI
• p 65 : DISQUES
• p 80 : AGENDA
• p 82 : OUTRO

MAGAZINE

• p 03 : L’ENTRETIEN DU MOIS ROSCOE MITCHELL
  – Le multi-saxophoniste, cofondateur de l’Art Ensemble of Chicago, est un militant optimiste de la Great Black Music dont il conjugue le devenir au présent.

• p 34 : SÉLECTION DE NOËL
  – Coffrets, livres, vinyles : les plus belles idées de cadeaux pour les fêtes de fin d’année.

• p 38 : PALMARÈS
  – Album de l’année, artiste et révélations 2013... Et les lauréats sont...

• p 40 : RÉVÉLATIONS
  – Leyla McCalla, Mélanie de Biasio, Jon Batiste

• p 46 : INTERVIEW ROBERT GLASPER
  – Branchée en continu sur les tendances urbaines, hip-hop et R’n’B, la << Black Radio>> du pianiste passe-t-elle encore du jazz ?

• p 48 : PORTRAIT KENNY GARRETT
  – Sur la voie de la sagesse, l’ancien dauphin de Miles Davis regarde désormais du côté de Sonny Rollins et John Coltrane.

• p 50 : À LA UNE WYNTON MARSALIS
  – Le boss du jazz à New York, tout-puissant patron de l’institution Jazz at Lincoln Center, a longtemps combattu pour imposer une certaine idée du jazz. Aujourd’hui, son message passe d’abord par l’action, moins par le discours.
  • p 56 : GALAXIE WYNTON
  • p 57 : MARSALIS VU PAR...

• p 60 : STORY SLY STONE
  – Le retour du dynamiteur génial de la musique noire des seventies a fait long feu. Mais le culte autour de son uvre reste intact.

• p. 42 : Révélations 2013 : Mélanie De Biasio (vc) - Album : No Deal [Mélanie De Biasio] [Pias] : Portrait