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Jazz Magazine N° 1

Jazz Magazine

Jazz Magazine - décembre 1954

Editor
Date décembre 1954
Format Magazine
Pages 32 pages
Location France
Language French
Chapters

Edito

CERTAINS s’étonneront peut-être de la naissance d’une nouvelle revue spécialisée dans la défense et l’illustration de la Musique de Jazz alors qu’il existe déjà en France deux publications très qualifiées, d’autres accueilleront cette sortie avec le secret espoir qu’elle soit ou devienne un nouvel organe de polémiques.
Quels sont les buts poursuivis par JAZZ MAGAZINE ? Avant tout, JAZZ MAGAZINE nie toutes prétentions partisanes et laissera aux revues chevronnées le soin de "disserter avec autorité" sur les problèmes du Jazz.
JAZZ MAGAZINE a pour but essentiel de présenter un maximum d’informations de caractère international sous une forme attractive. Ces informations porteront sur les sujets les plus divers intéressant le monde du jazz : la vie des musiciens, leurs activités, les moyens d’expression de cette musique (l’instrument, le disque, le livre, les concerts, le film, la Radio et la Télévision), etc....
JAZZ MAGAZINE a l’intention de faire un effort tout particulier dans la présentation de documents photographiques inédits en insistant plus précisément sur les reportages illustrés.
JAZZ MAGAZINE met enfin à la disposition de ses lecteurs une tribune" Le Courrier des Lecteurs" dans laquelle il sera répondu à toutes questions, suggestions ou critiques.
JAZZ MAGAZINE se propose en somme de contribuer de façon efficace et vivante à la diffusion de la Musique de Jazz sous toutes ses formes.
J. M.

SOMMAIRE

  • p 5 : FATS WALLER
  • p 6 : FLASHES
  • p 11 : Petite histoire du jazz - NAISSANCE DU JAZZ
  • p 13 : OU JOUENT-ILS ?
  • p 14 : LES CHEFS D’ORCHESTRE
  • p 16 : HOT LIPS PAGE DISPARAIT
  • p 18 : ELLA FITZGERALD
  • p 18 : LE 20e ANNIVERSAIRE DE COUNT BASIE
  • p 19 : LE CINEMA
  • p 20 : LA SITUATION MUSICALE EN BELGIQUE (par Yetty Lee)
  • p 21 : VIENT DE PARAITRE : LES DISQUES
  • p 25 : LA RADIO
  • p 27 : LA PARADE DES VIBRAPHONES (par Milton "Mezz" Mezzrow)
  • p 28 : MARY LOU WILLIAMS Mes aventures en Jazz
  • p 30 : Le Courrier des Lecteurs : Questions et Réponses

Sur notre couverture : Lionel HAMPTON (Ph. Staval)

Notes

LA SITUATION MUSICALE EN BELGIQUE par Yetty Lee
En Europe, la France, l’Angleterre, la Hollande, le Danemarck, la Suède, l’Allemagne possèdent de nombreux orchestres professionnels de jazz.
Depuis de nombreuses années, on n’en trouve plus en Belgique. Pour une raison toute simple : le jazz pur n’est pas rentable sur notre petite terre d’héroïsme.
Le musicien de jazz joue de la musique de danse et, dans les night-clubs, il doit aussi accompagner impeccablement les attractions. Si les brillants solistes instrumentaux gardent leur cote et parviennent à se défendre, par contre les secondes parties sont occupées par des musiciens jouant plusieurs instruments. Les formations les plus renommées utilisent toutes par priorité des solistes doublant un autre instrument. A titre d’exemple parmi les ensembles en vogue : le groupe de Gaston Hogart, drummer-chanteur et leader, Ray Lombrette, piano-ténor-clarinette-accordéon, Vic Ingeveld, ténor-clarinette-violon, Henry Breyre, basse-vibraphone-chanteur-guitare-piano. Les arrangeurs utilisent toutes les spécialités. Cela donne une fameuse variété de sonorités. Bien entendu, tous les orchestres ne sont pas dans ce cas, mais souvent, peut s’en faut. Pour maintenir les prix, on réduit les cadres. Un grand nombre de musiciens se sont mis à chanter pour augmenter leurs chances et leur cachet. Il viendra un temps où les chanteuses seront priées d’épauler instrumentalement les orchestres. En prévision de cet âge d’or, j’ai l’intention d’étudier l’ophicléide. Comme il n’existe pas de crise de logement dans le pays, je ne risque que d’intéresser les chefs d’orchestres avides des sonorités étranges d’instruments rares.
Il reste au soliste de jazz quelques solutions extrémistes : faire de l’amateurisme, changer de profession ou tenter sa chance à Paris, comme l’ont fait Bobby Jaspar, Sadi Lallemand, Francis Boland, Benoit Quersin, René Thomas et quelques autres, ou encore en Amérique comme l’ont fait Jean Thielemans ou Jacky Tunis
La T.V. offre irrégulièrement des chances. Léo Souris y dirige souvent un orchestre de jazz pur jouant des arrangements ultra-modernes avec des jazzmen renommés comme Herman Sandy, René Goldstein, Louis Delaes, Roger Asselberghs, Léo Delannoit, Francis Bay, Henry Carels, Rudy Frankel, Jo Demuynck, Alex Scorier, Freddy L’Host, Willy Buyssens, etc...
En fait - et voici l’explication de la situation - rares sont les établissements dont le budget permet deux formations de genres différents. De toute manière, même dans ce cas, la formation de "jazz" doit obligatoirement truffer son répertoire des succés à la mode et des rengaînes "raldalda" ("corny", dans le langage des "cats" belges).
Pourtant, les musiciens de jazz ne perdent pas la foi. A chaque occasion - et on leur en laisse quelques-unes au cours d’un service de six à sept heures, notamment lorsque le patron tourne le dos et que les clients sont ivres - ils soufflent de solides chorus qui les gardent en forme. Ils écoutent aussi beaucoup de disques et se tiennent au courant de l’évolution des styles. Vers les quatre heures du matin, après le dernier passage du floor-show d’un établissement de nuit, il est courant d’entendre soudain un chase tenor-trompette, tandis que le pianiste abandonne les "walking basses" pour les accords concentrés à la Bud Powell. Quelques instants plus tard, le maître d’hôtel avale son plastron et le dernier client s’en va en éructant. Mais qu’importe : on a pris son pied.
"On ne jamme" pas chez les p’tits Belges ? On ne va pas faire un boeuf chez les copains, objecterez-vous. Non mes amis ! Et pour trois raisons : les services sont très longs, intensifs et fort fatigants, ensuite il n’existe quasi plus d’établissements où des jammeurs éventuels seraient bien reçus, enfin dans les caves où les clubs de jeunes, le musicien professionnel se beurte à un public composé d’un tel pourcentage de minus et de larves, d’une incompétence solide, mais intégralement pour on contre, qu’il se retire écoeuré après deux essais.
Jadis, une association de musiciens organisait des jam-sessions fort suivies Un jour, elles cessèrent. Les organisateurs fournirent de bons et valables motifs. Toutefois, je puis affirmer que la suppression de ces séances proviennent du fait que les organisateurs avaient l’estomac sensible et que les réactions du public les incommodaient.
Nul n’est prophète en son pays. D’accord. Mais, néanmoins, les vedettes françaises sont française, les vedettes anglaises sont britanniques, les vedettes hollandaises sont bataves. Tandis que les vedettes belges ont été consacrées à l’étranger.
"Ce pauvre musicien belge apparaît comme un martyr" me direz-vous. Ne vous frappez pas ! Il s’énerve bien parfois mais sa hargne se termine devant un bon verre de bière et autour d’un pick-up.
Et le lendemain, il essayera à nouveau de glisser un chorus de jazz entre "Judas" et "Oh My Papa", et il sera heureux....

Yetty Lee

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